Peut-on perdre avec le sourire ? (3)
ou les raisons idéologiques de la défaite de la gauche
Une erreur de fond fondamentale de la candidate
Être de gauche et être de droite, c’est avoir une vision différente des problèmes. On n’a pas pu voir clairement cette différence dans cette campagne. Les socialistes qui ont été longtemps culpabilisés par l’utopisme communiste, ont semblé cette fois culpabilisé par l’arithmétisme de droite. Les programmes coûtent trop cher, la dette est lourde. Malgré les interventions des économistes de l’Observatoire Français des Conjonctures Economiques (Pourquoi nous ne chiffrerons pas les programmes présidentiels, Faut-il réduire la dette publique ? Faut-il réduire les dépenses publiques ?), Ségolène a choisi d’aller dans le sens du préjugé plutôt que de la pédagogie, de mettre en avant le thème du coût au lieu du thème de l’investissement. Dès lors son programme n’était plus cohérent avec la vision qu’elle avançait. C’est une des multiples erreurs de fond de la candidate.
Un problème social est un problème complexe qui a plusieurs portes d’entrées et de compréhension. Avoir une vision sur un problème ne signifie pas que l’on ne veut pas voir le problème mais c’est l’examiner d’une manière différente, sous un angle d’attaque différent. Il y a toujours plusieurs façons de traiter une question. Encore faut-il avoir/se laisser le recul nécessaire et pour cela refuser les évidences et les décisions précipitées. D’une manière carricaturale, on pourrait dire, par exemple, pour illustrer, qu’un problème peut être traité du point de vue des causes ou du point de vues des conséquences, que l’on peut interprêter la naissance du monde par la poule ou par l’oeuf.
C’est en avec une vision différente que l’on peut résoudre les problèmes de manière différente et de manière plus conforme aux valeurs de gauche : humanisme, solidarité, confiance.
La coupure par rapport au populaire
Être de gauche c’est être près du peuple. L’extrème gauche n’arrête-t-elle pas de nous le répéter à longueur de temps ? N’étaient-ils pas les premiers à nous dire que les 35 heures pouvaient précariser les plus faibles et avantager les cadres ?
Mais l’extrème gauche a-t-elle tant de leçon à donner ? Comme le note le sociologue Daniel Bizeul dans son livre « Avec ceux du FN », ce sont les communismes qui ont perdu le vote ouvrier au profit du Front national. Ce même vote ouvrier qui vote aujourd’hui pour Sarkozy.
Mais la question n’est pas aujourd’hui de faire un procès en inefficacité vis à vis de l’extrème gauche (il s’agirait peut être juste de noter l’impasse d’un possible virage marxiste du PS) mais de comprendre comment la droite peut se réclamer populaire ? Il faut pour cela être attentif au discours de Rama Yade lors de l’investiture de Sarkozy à l’UMP (discours qui, malheureusement quand il a été mis en avant sur le blog de zephir, n’a reçu que des commentaires peu constructifs).
Rama Yade, discours au congrès de l’UMP
« Sans projets, sans idées, sans vision, ces prétendues élites de gauches sont le meilleur symptôme de la rupture, entre le pouvoir et le peuple. Ce peuple qu’elles ont oublié, cette classe ouvrière dont elles ont été jusqu’à nier l’existence »
« La gauche caviar qui ne respecte qu’Arte mais dont elle ne regarde pas les programmes, s’est coupée des réalités alors qu’elle ne jurait que par le réalisme. Ouverte à toute les radicalités, quand il s’agit de déclamer mais fermée à toutes les audaces quand il faut proposer. Quand on considère le français moyen comme un beauf parce qu’il a dit non à la constitution, comment se dire proche du peuple. Pour 2007, quels est l’objectif des socialistes, donnez une vision à la France ? Non. Répondre aux inquiétudes des gens ? Non. Leur seul objectif est de battre Sarkozy. »
« L’universel peut avoir les cheveux crépus. Et les cheveux crépus attendaient tant de la gauche. Cela fait 30 ans, que les français issus de l’immigration comme on les appelle, comptait sur elle. Depuis la marche des beurs, ils ont donné sans réfléchir leur suffrage aux socialistes. Les socialistes leur ont beaucoup promis. Mais ils n’ont rien fait ou si peu et si mal. Ils accordaient de la pitié au lieu du respect. Une république des indigènes quand les immigrés réclamaient du travail pusce qu’ils ne sont pas venus en France pour rester les bras croisés. Résultat, pas un seul député issu des minorités à l’Assemblée. Mais c’est vrai que la politique, c’est un peu comme les discothèques, on laisse d’abord entrer les habitués. »
Ce discours touche juste, car il aide à comprendre comment des catégories de personnes qui ne sont pas catégorisées à droite peuvent voter pour Sarkozy. En l’occurence, Rama Yada est une femme jeune, noire et issue d’une famille de gauche. Si on écoute bien son discours, il y a surtout de la déception par rapport à la gauche et l’engouement pour le volontarisme sarkozien, tout un symbole de ce peuple perdu qui est nécessaire pour la gauche de reconquérir mais dont il faut comprendre la motivation.
Il ne faut pas, comme De Gaulle, considérer les français comme des veaux. Il est simpliste de penser que c’est par le développement du racisme que les ouvriers se sont tournés vers de l’extrème droite, puis vers le sarkozisme. Les ouvriers sont moins stupides qu’on ne le pense : c’est peut être avec un grand pragmatisme qu’ils ont abandonné l’idéologie communiste qui ne leur apportait plus rien de concret par rapport à leurs malaises. Privé d’espoir en l’avenir, ils se sont mis à détester leurs concurrents, les immigrés. Le volontarisme de paillette de Sarkozy leur a redonné cet espoir, non seulement parce qu’ils ont l’impression qu’il y aura maintenant un véritable changement (le retour d’un Etat agissant contre « l’Etat ne peut pas tout faire » de Jospin) mais aussi cet Etat qui favorisera les français.
La gauche peut récupérer cet électorat mais si elle arrive à redéfinir un cap qui permette d’avoir confiance, de réellement sécuriser et de réellement intégrer.
(A Suivre…)
Tags: présidentielles 2007, socialisme