Baume au coeur
Je m’étais promis de ne plus jamais citer un article du monde en entier, droit d’auteur oblige. Et puis, cet article m’a tellement fait plaisir. Enfin, même si je trouve que l’on récompense un peu trop vite tous ces films qui reviennent sur le traumatisme communiste (je suspecte un fond revanchard de l’occident), je suis content pour les roumains et je trouve vraiment génial qu’une institution française aussi respectée internationalement que le festival de Cannes puisse permettre à ce peuple d’espérer.
Le » miracle » cannois
BUCAREST CORRESPONDANCE
C’est une véritable revanche. Après avoir appris que leur pays était la vedette de la 60e édition du Festival de Cannes, les Roumains ont retrouvé la confiance à laquelle ils aspiraient depuis la chute de la dictature communiste, il y a dix-sept ans. Ils souffraient de la mauvaise image que leur pays envoyait à l’étranger : les orphelinats mouroirs du dictateur Nicolae Ceausescu, les 200 000 chiens errants de Bucarest, la misère et l’incapacité à se moderniser étaient devenus emblématiques.
Et voilà que le miracle s’est produit moins de cinq mois après l’adhésion du pays à l’Union européenne : une jeune génération de cinéastes têtus et talentueux vient de sauver la face d’un pays en quête du respect perdu.
La presse roumaine s’est fait l’écho de cette euphorie qui a porté le nom de » Cannes » jusqu’aux confins de la Roumanie profonde. La ville de la Croisette a une résonance presque mystique pour les Roumains. » Dieu est venu habiter la Roumanie, s’est exclamée l’actrice Luminita Gheorghiu. C’est tellement extraordinaire que c’est presque insupportable à vivre. Ces jeunes sont le miracle de la Roumanie. »
La bande-annonce des prix remportés par Cristian Mungiu et Cristian Nemescu – la Palme d’or et le prix de la catégorie » Un certain regard » – a défilé en boucle sur les chaînes de télévision. » Tsunami roumain à Cannes « , titrait le quotidien Evenimentul zilei ( » L’Evénement du jour « ). » La Roumanie est l’enfant gâté de Cannes cette année, lit-on dans les pages de ce journal. Elle n’a pas apporté du glamour et du faste, mais une vision fraîche, un je-ne- sais-quoi que les critiques attendaient. » » Les Roumains, les héros du film européen « , notait le quotidien Adevarul ( » La Vérité « ).
L’enthousiasme public a poussé les institutions roumaines à offrir une panoplie de médailles aux deux gagnants de cette année, dont l’un, Cristian Nemescu, est mort à 27 ans dans un accident de voiture en 2006. Pourtant, le ministère de la culture et le Centre national du cinéma ont ignoré systématiquement les énormes efforts déployés par ces jeunes cinéastes pour boucler les budgets de leurs films. La presse vient de demander la démission de leurs directeurs.
Quant aux producteurs indépendants, qui ont poussé comme des champignons sur le marché roumain, leur enthousiasme se double de prudence. » Ces prix étaient inimaginables, mais ils nous obligent à travailler encore plus dur, témoigne Ada Solomon, l’ancienne productrice de Cristian Nemescu. En même temps, grâce à ces cinéastes, ils constatent que l’intérêt pour leurs projets a considérablement augmenté sur le marché international. Nous sommes regardés autrement, et ça fait du bien. »
M. B.
© Le Monde