Peut-on perdre avec le sourire ? (2)
Ou les risques d’une défaite non assumée
Une défaite cinglante
Il n’est pas juste d’essayer de cacher une défaite. On pourrait minimiser en revendiquant la forte mobilisation ou le poids des sondages, mais c’est oublier que la mobilisation bénéficie normalement à la gauche et que dans d’autre événement le poids des sondages n’a pas joué (comme lors du référendum européen).
La gauche aurait du gagner cette élection. Toutes les conditions étaient réunies pour battre la droite : la prime à l’alternance, la diabolisation de Sarkozy, l’effet 21 avril et l’importance du vote utile.
Il faut saluer la pugnacité de Ségolène. Elle a tenu sur son discours. Sur l’encadrement militaire des jeunes délinquants, sur la remise en cause des 35 heures, sur la nécessité du développement économique dans le social. Elle a pu joué avec les valeurs de la droite en se faisant acclamer par l’extrème gauche. Elle a eu le culot de faire une campagne atypique, s’émancipant du parti, jouant la carte de la démocratie participative. Remise en cause du socialisme orthodoxe, de la façon de faire de la politique. Elle a fait des coups de génie : son discours à Toulouse m’a permis de faire voter pour elle, son dialogue avec François Bayrou était courageux, même le débat avec Nicolas Sarkozy n’était pas si mauvais que cela.
Mais il lui a manqué quelque chose de fondamental : un axe, une vision. On en était encore à un débalement de propositions assez flous, qu’elle a essayé tant bien que mal de lier à un projet de société. On pourrait dire que c’est la conséquence de très nombreux débats participatifs difficilement synthétisables. Mais c’est oublier qu’en 2002 , on avait déjà une liste similaire de propositions cumulatives.
Donc, ce n’est pas forcément une France de droite qui a gagné sur une France de gauche, c’est la victoire d’un Sarkozy avec un projet bien ficelé, des mesures coûteuses mais clairement articulées. Ségolène n’a pas fait espérer et a fait triompher le discours conservateur contre les boucs-émissaires qu’elle a elle-même tenu.
Le piège du « dicours sur la méthode » au PS
Ségolène a apporté des choses nouvelles, mais c’est insuffisant. Et le piège qui se profile c’est l’espérance d’une refonte idéologique sur les méthodes en oubliant de se remettre en cause sur le fond.
Déjà une partie des militants socialistes ont cru trouvé leur salut dans les propositions d’Arnaud Montebourg qui fait des institutions de la Vème république l’alpha et l’omega du socialisme de demain. Ségolène pourrait mettre en avant la démocratie participative. Quand on a perdu espoir dans la révolution par l’action, on se réfugie dans le confort de la révolution par la forme.
Il faut d’ailleurs voir les limites de ces nouvelles utopies.
La VIème république
La révolution des institutions est un long serpent de mer. Mitterand déjà voulait transformer la 5ème république. Une fois aux manettes il la pérénisera. Les socialistes sous Jospin ont voté en faveur de la présidentialisation du régime : après la réforme du quinquennat, ils ont inversé le calendrier électoral en 2002, plaçant les présidentielles avant les législatives, la personnalisation du pouvoir avant la confrontation des idées partisanes.
Cette logique marche très bien, les députés socialistes se sentent d’or et déjà battu, oubliant que l’aura de Sarkozy n’est pas celle de ses députés et oubliant le rôle des triangulaires que permet le maintien au second tour d’un candidat ayant obtenu le soutien de 12,5% des électeurs inscrits. La cohabitation reste une possibilité.
La démocratie participative
La démocratie participative a déjà été initiée par les socialistes avec la mise en place des conseils de quartiers et la loi de proximité (2001).
Il semble qu’il n’y ait toujours pas de retour critique sur cette organisation. C’est une forme intéressante de la politique. Mais il ne faut pas opposer la politique traditionnelle à la démocratie participative. La démocratie participative ne peut être qu’un complément.
Car
- la démocratie participative ne représente qu’une partie de la population : ceux qui ont le temps de s’investir dans l’espace public et ceux qui ont acquis un minimum de confiance dans leur opinion ou les moyens de l’exprimer. Bref, la démocratie participative favorise les classes intellectuelles moyennes et exclue les plus défavorisés socialement et culturellement.
- La démocratie participative flatte les préjugés parfois contradictoires. A quoi bon se dire de gauche si c’est pour épouser les idées du moment surtout si elles sont à droite ?
Le politique, garant de l’intérêt général doit donc encadrer les débats participatifs et ne pas faire qu’écouter. Ce doit être un dialogue et non pas seulement une écoute. Et c’est aussi comme cela que l’homme politique pourra apporter ses valeurs de droite ou de gauche, convaincre les citoyens de sortir de leur intérêt personnel et trouver des solutions pour le bien commun.
La méthode et la forme ne servent donc à rien sans une base idéologique solide. On pourrait d’ailleurs dire qu’on ne fait pas d’alliance tactique avec l’extrème gauche ou le centre sans être au clair avec ce que l’on veut défendre et porter en commun.
(A Suivre…)