Température de campagne
Bon comme vous avez pu le voir (en tout cas ceux qui me lisent régulièrement), je me suis un peu lassé de la campagne. J’ai cessé de faire des posts dessus car je pense qu’elle est stabilisée. Au départ, ce qui m’a fait intervenir, c’était la mauvaise fois des médias et de certains candidats. Je trouve maintenant que l’information est plus équilibrée. Je n’ai pas à être convaincu, je sais pour qui voter, surtout que je ne vote pas pour des individus mais pour un courant de pensée. Je n’ai pas non plus à convaincre, d’autres blogs sur GA le font très bien.
Ce post est donc plus un partage de sentiment. J’ai trouvé que le journal le Monde avait fait une très bonne double page d’analyse politique dans son numéro daté de demain, d’autant plus intéressant qu’elle confirme certaines de mes hypothèses (et oui, narcissisme, quand tu nous tiens…).
Pourquoi Sarko mène au premier tour ?
Donc, le Monde, sous la plume de Jean-Baptiste de Montvalon, relativiste les sondages mais, en observant, non pas les chiffres, mais les tendances, dégage quelques pistes de compréhension. Sarkozy fait un très bon socle de premier tour, car il s’appuie sur une doctrine claire « martelée depuis 5 ans ».
Ségolène, elle fluctue et a du mal à s’imposer comme opposante numéro 1 car elle n’a pas de ligne cohérente et cela s’explique pour plusieurs raisons. Le monde souligne l’absence de ligne idéologique tranchée au PS. Pour ma part, je pense que c’est un tantinet plus complexe :
2) Ségolène, qui n’a pas un réseau structuré au sein du Parti Socialiste, a gagné les primaires en jouant sur l’extérieur. Sa popularité, basée sur les critiques qu’elle pouvait faire du PS, lui a permis de s’imposer en interne. Or, une fois élue, s’est posée la question de la tactique à prendre. Fallait-il continuer à jouer hors parti ou devenir la rassembleuse socialiste ? Choix difficile, d’autant plus que certains cadres ne sont pas arrivés à lui pardonner son double jeu. Ségolène s’est donc repliée sur le petit groupe qui l’avait aidée à gagner la primaire, mais qui n’était pas assez expérimenté pour gérer une campagne présidentielle. Malheureusement pour elle, les campagnes présidentielles sont de plus en plus médiatiques et une mauvaise gestion de la communication peut être cruciale. L’amateurisme du début de la campagne fut sévèrement sanctionné. Aujourd’hui, même si Ségolène a resserré les rangs socialistes autour d’elle, elle reste méfiante et continue à lancer des propositions spontanées quitte à les rectifier au fur et à mesure.
3) d’autant plus, qu’elle justifie cette manière de faire par le deuxième atout qui lui avait permis de réussir au primaire : la démocratie participative. C’est une manière de faire de la politique très moderne qui a tendance à bouleverser les repères politiques traditionnels : l’homme politique avoue qu’il ne connaît pas tout, qu’il peut avoir tord et qu’il a besoin, parfois, d’être conseillé par le citoyen moyen. Avec ce principe de fonctionnement, proposer des idées non abouties, de corriger le tir au fur et à mesure et parfois, de changer tout bonnement d’opinion, est naturel, car l’homme politique n’est plus, comme dans le système politique classique, le guide de la nation, mais le porteur des idées des citoyens; celui qui écoute et non pas celui qui donne la bonne parole de l’expert. La droite a beaucoup de mal à appréhender cette façon de faire de la politique car la démocratie participative est aux antipodes de son schéma idéologique. C’est pour cela qu’elle taxe Ségolène d’opportuniste et de démagogue sans comprendre que c’est peut être cette manière de faire qui primera dans le futur (Tony Blair a d’ailleurs demandé qu’un rapport soit fait sur le sujet). Mais le problème pour Ségolène est : est-ce que le peuple, lui, comprendra cette démarche ?
Mais pourquoi Ségolène est avantagée au second contrairement à ce qu’avance les sondages ?
Le deuxième grand apport de cet article du Monde est d’expliquer que si, Ségolène est en difficulté au premier tour, c’est Sarko, qui au second, pourrait avoir du mal contrairement à ce qu’avance les sondages. Car Sarkozy a une ligne trop dure pour rassembler.
La tactique mitterandienne pour devenir président constistait au premier tour à rassembler son camps en durcissant, voire en carricaturant, son discours et de se poser en rassembleur au second. Or dans ce schéma tactique, l’atout de Sarkozy, la longévité de sa cohérence, pose un problème justement lors du second tour ! A force d’être radical depuis 5 ans, même si sa communication s’est faite plus douce ces derniers temps, Sarkozy a créé une image durable d’un homme dur. Il fait peur à une partie de son électorat, les centriste-chiraquiens, et empêche le rassemblement. Le dernier opposant de Sarko, si ce n’est Lepen, se trouve donc avantagé.
Le Monde avance même paradoxalement, que celle qui représenterait le plus « la dimension d’incarnation et de rassemblement » du second tour serait… Ségolène Royale qui, malheureusement pourrait être battue sur un premier tour « compétence, et capacité à résoudre les problèmes ».
Non, la France n’est pas à 60% à droite !
Quand au chiffre d’une France à 60% de droite et 40% de gauche, il est totalement fictif. L’extrême gauche n’existe bizarrement pas dans cette élection, d’une part, à cause de la peur d’un 21 avril bis et d’autre part, parce que son faible score dans les sondages ne lui permet pas d’obtenir la prime de l’anti-système. Sarkozy et Ségolène ont chacun entre un quart et un tiers de l’électorat. Le reste du gâteau est partagé entre Lepen et Bayrou, qui autour de leur maigre troupe idéologique, fédèrent les électeurs anti-sytème volatiles. Mais quelle est la part chez Bayrou ou Lepen d’électeurs de gauche ou de droite ? Même s’il est possible que ces électorats soient plus droitisé, on ne peut en aucun cas les ajouter pour obtenir les 60% d’une France de droite.
Voilà donc pour l’article du Monde, sur lequel s’appuie mes commentaires personnels (et oui, on est quand même sur mon blog, hein ?).
Avant de le citer, pour que chacun puisse se faire son opinion, j’ajouterai juste que cet article ne prend pas en compte la mutation de l’électorat qui renforce encore l’absence de certitude totale quand au résultat final. A savoir, les conséquences de l’inscription massive sur les listes électorales,le vote des étrangers et la prise en compte de la nouvelle volatilité des appartenances dont on pense qu’elle toucherait 15% de l’électorat.
SONDAGES Le candidat de l’UMP mène la course en tête. Mais sa campagne obère sa capacité à rassembler
Mme Royal menacée au premier tour, M. Sarkozy au second
Chacune des photos est certes un peu floue, mais l’album devient consistant. Suffisamment pour substituer aux pointillés des enquêtes d’opinion réalisées depuis plusieurs semaines quelques traits dominants que la persistance d’une forte proportion d’indécis ne saurait suffire à rendre nuls et non avenus.
Si l’on s’attache aux intentions de vote de premier tour, un constat s’impose : Nicolas Sarkozy n’a cessé de faire la course en tête depuis qu’il a officiellement reçu, à la mi-janvier, l’investiture de l’UMP. Des quatre principaux candidats, il est le plus stable, au niveau le plus élevé. Sa rivale socialiste, Ségolène Royal, qui a enregistré des oscillations plus importantes au cours de la même période, n’est pas parvenue, à ce stade, à maintenir un écart suffisamment déterminant avec François Bayrou (UDF) pour l’assurer de sa qualification au second tour.
Pour Brice Teinturier (TNS-Sofres), la domination de M. Sarkozy traduit la clarté d’ » une doctrine qu’il a martelée aux Français depuis cinq ans « , et qui serait » articulée autour d’un socle de valeurs simples : travail, effort, mérite, volonté, devoir, ordre « . Le candidat de l’UMP profiterait de cette » construction dans la durée » ; la campagne de Mme Royal pâtirait, à l’inverse, d’un » sentiment d’allers-retours et de flottements » qui serait moins lié au style et à la personnalité de la candidate qu’à l’absence d’une » ligne idéologique tranchée » au PS. » Le caractère erratique de la campagne de Ségolène Royal renvoie à sa difficulté à avoir une ligne cohérente « , renchérit Jérôme Sainte-Marie (BVA).
D’autres responsables d’instituts de sondages relèvent plus simplement que l’avance dont dispose M. Sarkozy tient au fait qu’il aurait attiré à lui entre un quart et un tiers des voix qui s’étaient portées sur Jean-Marie Le Pen (FN) en 2002. » C’est ce qui lui permet d’être 4 à 6 points au-dessus du score obtenu par l’UMP » lors de scrutins antérieurs, note Frédéric Dabi (IFOP). Compte tenu de l’importance de cet appoint, sa stabilité est essentielle pour M. Sarkozy. » Vont-ils rester là ou revenir au bercail du vote frontiste ? « , s’interroge M. Dabi. » Depuis trois mois, cette frange de l’électorat ne bouge pas « , relève Pierre Giacometti (Ipsos), tout en rappelant que M. Le Pen a, dans le passé, progressé en toute fin de campagne alors que Jacques Chirac a plusieurs fois enregistré des » tassements » dans cette dernière ligne droite.
Cette concurrence autour de l’électorat de l’extrême droite, et la percée concomitante d’un autre candidat (François Bayrou) issu du camp conservateur, traduisent la droitisation sinon du corps électoral, tout au moins d’une campagne commencée sur les sujets économiques pour finir sur les thèmes de l’identité nationale et de l’immigration. Si Mme Royal a pour partie anticipé et accompagné cette tendance, le rapport de forces entre la gauche et la droite – tel que le mesurent les sondages d’intentions de vote – penche toujours très nettement en faveur de la droite.
Cet écart substantiel pourrait toutefois n’avoir que peu de portée sur l’issue du scrutin présidentiel. Les responsables d’instituts de sondage s’accordent en effet à relativiser fortement la signification des sondages de second tour, qui donnent tous M. Sarkozy vainqueur d’un duel avec Mme Royal. » La qualification de Ségolène Royal provoquerait un choc positif majeur pour la gauche et ouvrirait un contexte nouveau « , note M. Giacometti.
» Une fois passé le premier tour commencera une seconde campagne « , souligne aussi Stéphane Rozès (CSA). Selon lui, le premier tour se joue sur » la compétence, la capacité à résoudre les problèmes » – domaine qu’aurait privilégié M. Sarkozy -, alors que le second accorde plus de place à » la dimension d’incarnation et de rassemblement « , à laquelle serait davantage identifiée Mme Royal. En suivant cette analyse, on pourrait en conclure que la candidate socialiste aurait paradoxalement plus de chances de l’emporter au second tour que de se qualifier à l’issue du premier.
Car le risque d’une nouvelle élimination de la gauche – après celle de Lionel Jospin en 2002 – est désormais sérieusement pris en compte par les sondeurs. » Ségolène Royal n’a pas répondu de manière bien nette aux très fortes attentes de l’électorat de gauche en matière d’emploi, de salaires et de protection sociale. Ce qui peut augmenter le score de l’extrême gauche, ou libérer du vote de catégories populaires pour le FN « , estime M. Sainte-Marie. Pour M. Giacometti, la socialiste affronte à la fois une » contestation identitaire » émanant d’une extrême gauche qui la juge » trop à droite « , et une » contestation stratégique » de ceux qui persistent à penser qu’elle pourrait être » moins bien placée que M. Bayrou » pour battre M. Sarkozy.
Le candidat de l’UDF, dont l’émergence dans ce type de scrutin est la principale nouveauté de cette campagne, continue de susciter de multiples interrogations. » C’est dans son électorat potentiel qu’il y a le plus d’hésitants. Mais il ne s’est pas effondré « , note M. Teinturier. Selon M. Sainte-Marie, » le phénomène le plus marquant est l’existence d’une très forte compatibilité entre le vote de gauche et le vote centriste : un tiers des électeurs de François Bayrou sont des sympathisants de gauche qui, dans les mêmes enquêtes, se disent proches du PS « .
Au risque d’amoindrir sa capacité de rassemblement au second tour, M. Sarkozy a attiré à lui des électeurs du FN. Au risque de se voir éliminée dès le premier tour, Mme Royal a laissé » filer » une partie des sympathisants du PS chez M. Bayrou. De la persistance et de l’ampleur finale de ces deux chassés-croisés dépend, pour une bonne part, le sort de chacun des deux » favoris « .
Jean-Baptiste de Montvalon
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