Du détail banal (série: pur blog)
Un ami m’a fait remarquer qu’adulte on ne se faisait plus de croûtes aux genoux. Cela n’arriverait qu’aux enfants qui ne maîtrisent pas encore tout à fait leur équilibre. Cela fait longtemps en effet que je ne me suis plus écorché les genoux. Et pourtant autrefois je suis bien tombé… une vingtaine de fois? Un souvenir a directement émergé de ma mémoire. Un souvenir pourtant banal, pas plus spectaculaire ou représentatif.
Cette fois où j’avais été invité pour la communion de mon meilleur ami de ce2. J’étais la seule personne extérieure à la famille, les autres enfants de notre âge, étaient les cousins, du 4ème, du 5ème degrès. Ça me faisait bizarre moi qui ne comptait que des cousins, tristement germains, à 10 000 km en métropole. Autre élément de surprise, mon meilleur ami m’avait aussi présenté sa tante… qui n’avait que deux ans.
Nous courrions sous le porche, en short, sandales. Un mauvais virage et j’ai dérapé. On m’a aidé à me relever. J’étais tombé sur le genou. Quatres griffures dans la peau. Ça brûle… Le sang apparaît. En d’autres lieux, avec d’autres personnes, j’aurais pleuré. Là j’ai réussi à me retenir :
« Ça va ! ça va ! » ai-je dit
La mère est arrivée en courant, anxieuse de s’assurer que l’enfant étranger, dont on lui avait donné la responsabilité, n’avait aucun mal fâcheux. Même si je prétendais que cela allait bien, il fallait malgré tout nettoyer tout ça. Mon genou tremblait quand on a taponné la plaie avec du coton imbibé d’eau puis de mercurochrome. Je retenais mon souffle. Nous étions entourés par les enfants. Je ne disais rien.
Enfin, une fois l’opération terminée, les choses ont repris leur cours. La mère est rentrée à la maison. Et avec les enfants, on s’apprêtait à repartir en chasse. Petit à petit la brûlure s’estompait. Un cousin m’a glissé
« Si c’était arrivé à quelqu’un d’autre, il aurait pleuré »
J’ai été fier. J’avais surmonté l’épreuve. Je n’avais pas déçu. Rendu digne d’avoir été invité. Chose que je n’attendais pas.
Au début, quand j’avais voulu être son meilleur ami, je n’avais pas su lui dire. Il était toujours entouré de ses cousins. J’avais envie de me rapprocher mais je ne savais pas quoi faire ou comment le faire. Au détour d’une discussion, j’ai appris le jour de son anniversaire. Et le jour se rapprochant, profitant d’une visite à la petite librairie de la ville tenue par un commerçant chinois, j’ai confié à ma mère que je voulais faire un cadeau. J’avais croisé par hasard, une bande dessinée qui reprenait son prénom.
Le lendemain, après avoir été déposé devant le portail de l’école, j’avais le livre emballé. Je me suis senti stupide. A l’école, on ne fête pas les anniversaires. A l’école, on n’offre pas de cadeaux, comme cela, tout seul, sans que la personne ne soit pas au courant, sans qu’il y ait une fête pour cela. Je suis resté un moment interdit. Je me suis dit que je n’allais pas le faire. Cacher le cadeau au plus profond de mon cartable… et l’oublier.
Et puis je ne sais pas, j’ai passé le portail, foncé droit devant, vers la classe, percuté le groupe dans lequel il bavardait et je lui ai donné le livre.
Il s’appelait Alix.
OMC – Souvenir (1981)
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