De la grève et des retraites
De la solidarité entre générations
Je dois avouer que je n’ai pas été manifesté la première journée de grève décrétée vers avril dernier. Il ne faisait pas beau. Je n’étais pas vraiment convaincu. J’avais posé une journée de grève juste par solidarité syndicale. Je trouvais même injuste de devoir faire grève pour garder une retraite à 60 ans alors que je n’étais même pas sûr, comme toute ma génération, d’en avoir une.
Commencé à travailler trop tard, sentiment qu’on allait dans le mur et qu’il faudrait un jour de toute façon tout remettre à plat. Sentiment d’injustice envers cette conservation d’une acquis immédiat pour la génération babyboom incapable d’envisager un report de quelque année pour garantir à ses enfants un avenir meilleur, cette génération qui a profité de tous les moments de bonheurs de la société : l’absence de guerre, la promotion sociale, la liberté sexuelle, les trentes glorieuses…
De la solidarité
Et puis j’ai entendu Anne Hidalgo et Robert Badinter dénoncer une réforme injuste qui oblige ceux qui ont commencé à cotiser tôt, à travailler et à côtiser plus longtemps sans avantage supplémentaire. J’ai eu une pensée pour mon oncle, ouvrier depuis 16 ans, cassé à 50 ans et attendant péniblement la retraite repoussée de deux ans, un véritable calvaire selon sa situation.
Et puis j’ai été manifesté. J’ai pris le temps de lire quelques tracts. J’ai pris connaissance de la situation des femmes. Malgré l’égalité des sexes, le foyer, les enfants restent à la charge sociale des femmes ce qui les oblige à un aménagement du temps de travail différent, à temps partiel, plus salarié, plus précaire, avec parfois des interruptions dans la carrière qui handicape leurs droits à la retraite aggravés par la réforme envisagée.
La réforme des retraites, une réforme hypocrite qui ne résout rien sur le fond
Plus je réfléchissais sur cette réforme proposée par le gouvernement plus je commençais à comprendre son hypocrisie. Car au fond, cette réforme pérennise-t-elle le système des retraites ? Rien n’est moins sûr. On cotise plus mais il n’y a pas de visibilité supplémentaire du système. Dans les perspectives actuelles, il reste encore un déficit même après la mise en place de la réforme (le système ne résoudra au mieux que la question des retraites jusqu’en 2020…). Un déficit qui justifiera de nouveaux ajustements dans le futur et d’éventuels reports de l’âge de la retraite.
Pire, cette réforme empêche de se poser les vraies questions de financement. Si la société du travail continue de retarder l’arrivée dans la vie active des jeunes et à éjecter les séniors passé 55 ans [la France a l’un des taux d’activité les plus faibles pour les jeunes (37,5 %) et pour les plus de 55 ans (40 %) parmi les pays industrialisés], elle augmentera la pression sur les cotisants tout en appauvrissant ceux qui se retrouveront en dehors du système.
Le vrai enjeu pour sauvegarder le système de retraite est de relancer le travail et l’innovation en passant par une grande réforme de la société française. Et voilà la plus grande hypocrisie de la réforme dite des retraites. Le gouvernement Sarkozy se retrouve incapable malgré son volontarisme de façade à réformer la société française et à la moderniser. La réforme des retraites n’est ici présente que pour masquer un bilan médiocre. Cette réforme qu’on a voulu imposer facilement, sans concertation, d’autorité, est une politique qui ne demande pas beaucoup d’imagination, d’effort et de diplomatie.
De la réforme en Sarkozie, un triste substitut à une démarche réfléchie et imaginative nécessaire
Au contraire, comme toutes les décisions de notre hyper président, cette réforme est trop clivante au sein de la société pour être acceptée. La politique de rupture que véhicule le sarkozysme a le mérite de politiser, de dynamiser la vie publique mais elle simplifie, voire caricature, et concentre les oppositions. Elle ne peut qu’être rejetée à moyen terme car elle ne satisfait par à l’intérêt général de la communauté nationale. Plus qu’une politique de rupture avec les habitudes gouvernementales antérieures, cette politique est une politique de rupture entre citoyens. Le président ne cesse de morceler la base électorale sur laquelle il s’est fait élire, jusqu’à ne représenter que 30% de la population aujourd’hui.
Il faut bien convenir que la méthode Sarkozy n’est pas la bonne pour le pays. A trop faire de la communication, le gouvernement créé des blocages, empêche la réflexion, ne fait que désorganiser momentanément le pays avant de revenir en arrière. La droite pensait pouvoir se sauver d’un déficit de réflexion idéologique par la fuite en avant vers des hommes providentiels qu’ont incarné Chirac puis Sarkozy, mais il faut bien constater que cela ne marche pas. Il faut que cette droite se remette au travail. Idéologiquement, la gauche est tout autant fameuse… Mais encore a-t-elle l’intelligence de ne pas sacrifier les talents et de jouer collectif. Il ne reste plus qu’à trouver une cohérence, une vision, un projet pour un pays qui a de plus en plus de mal à rebondir, perdant petit à petit tous ces points de repère et de force.
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Je termine cet article par une note plus légère trouvé sur le blog de Videberg, dessinateur nouvelle génération du Monde pour faire la boucle avec Plantu et avec le conflit de génération larvé de ce problème des retraites.
Tags: caricature, droite, gauche, grève, lemonde, sarkozysme