Débat sur le Web 2.0 (série : pas de moi mais intéressant)
Article très intéressant sur la désillusion face au Web 2.0 et plus précisémemt aux blogs, aux espaces de partage, au journalisme citoyen, à la création sur internet. Je ne partage pas l’opinion globale de l’article mais en effet, certaines critiques sont bien identifiées, on peut en voir la trace tous les jours sur le jdi.
Mais l’analyse se termine trop négativement pour faire le tour du phénomène. Le Web 2.0 ne se substituera pas aux médias traditionnels car c’est un medium à part entière avec ses propres spécificités. Il me semble qu’on ne peut pas juger le Web 2.0 sur des critères de modes de production qui ont fait leur preuve mais qui manquent aujourd’hui d’originalité. Et si le Web 2.0 permettait de dynamiser un peu tout cela ? Au lieu de remplacer, le Web 2.0 permet de donner une vision complémentaire. J’essaierai de développer tout cela plus tard. Cela fait longtemps que je n’ai pas réfléchi sur mon blog ^^.
L’original avec les liens actifs ici
Mis en ligne par Narvic, le 28 juillet 2008
A mesure que nombre des promesses du Web 2.0 se révèlent être des mirages, combien faudra-t-il encore de temps pour que la bulle se dégonfle totalement ?
Les apôtres du Web 2.0 se sont révélés être des champions du marketing, ils ont fort bien vendu leur produit. On peut se demander aujourd’hui si ce produit valait si cher et même s’il valait quelque chose…
Deux des grandes promesses du Web 2.0 s’effondrent lentement sous nos yeux :
- le contenu généré par les utilisateurs (UGC, User generated content) est une mine d’or. On peut bâtir toute une industrie sur cette matière première gratuite, en se passant désormais des contenus payants fournis par des professionnels.
- l’ère de la participation généralisée est ouverte. Les nouvelles relations sociales sont horizontales et partagées. Laissons s’exprimer et s’organiser librement les foules que ne demandent que ça : le Web 2.0 donne enfin corps à l’aspiration messianique à la démocratie directe et participative.
Le contenu généré pas les utilisateurs se révèle de piètre qualité et se « vend » très mal. La participation ouverte à tous n’intéresse finalement qu’une très infime partie des internautes.
Les reproches faits au Web 2.0 avaient surtout porté, ces derniers mois, sur le modèle d’affaire d’un certain nombre de gros sites, plus ou moins sociaux, n’hésitant pas à exploiter gratuitement des contenus professionnels soumis au droit d’auteur (diffusion de musique, reprise de contenus télé, agrégation des contenus de presse, etc…).
Je n’ai pas été le dernier à dénoncer ici une entreprise qui remettait en cause toute l’économie de la production des contenus professionnels. Voir en ligne mes « séries » : « En ligne, l’info ne paie pas » (1), (2) et (3) et « La mort de la poule aux oeufs d’or » (1), (2) et (3), la note de lecture du livre d’Andrew Keen, « Le culte de l’amateur. Comment internet détruit notre culture », ou encore mon billet « Comment internet disloque les industries de la culture et des médias »…
Les déceptions de L’UGC
Mais, la promesse du Web 2.0 n’était pas tant du tuer les professionnels en pillant leur production (ce qu’il fait pourtant, mais ce sont de simples victimes « collatérales »…), que de carrément se passer d’eux en s’alimentant à d’autres sources.
On a beaucoup misé sur le contenu généré par les utilisateurs, or la déception est largement au rendez-vous.
- Un contenu de faible qualité
Pour un seul contenu original et intéressant, éventuellement repris par les grands médias (quelques photos des attentats de Londres, des vidéos de touristes du tsunami d’Asie du sud-est…), combien de millions de photos de chats et de vidéos de marmottes, postées sur les plates-formes de partage de photos ou vidéos, quand ce ne sont pas des extraits « repiqués » en masse sur les télévisions sans autorisation ?
On en parlait déjà ici : « Le grand marais de la vidéo en ligne »
Pour un seul article apportant une information, un témoignage, une analyse intéressantes sur les sites de journalisme citoyen et sur les millions de blogs, le tout agrégé et rediffusé par les plates-formes 2.0, combien de bavardage, d’égotisme et d’anecdotes sans intérêt, de contenus identiques repris aux mêmes sources (souvent professionnelles !) et répété, remâché, déformé à l’infini sans un quelconque apport constructif ?
On l’a déjà dit ici : « Journalisme amateur : quel bilan ? »
Et les commentaires ? Quelle part de réel débat, d’apport d’information, de rectification opportune, dans ce flot continu de commentaires qui se déversent partout, et se résument bien souvent à une simple affirmation de soi, quand ça ne dérape pas dans une diarrhée d’invective et d’éructation, ou carrément en lynchage ?
Rien que deux exemples, relevés ici :
* « Anatomie du lynchage d’Olivier Martinez »
* « Vox populi »
- Un contenu qui ne rapporte rien
La déception la plus profonde que ressentent aujourd’hui les partisans de ce Web 2.0 de l’UGC, c’est surtout que ça ne rapporte pas du tout autant que prévu. La formule magique était bel et bien une illusion et remet en question le modèle économique lui-même sur lequel toute l’affaire était bâtie.
Dans le domaine de la vidéo, Didier Durand, sur Média&Tech observe le phénomène attentivement, et commencent à livrer quelques conclusions intéressantes ces derniers temps :
* « Vidéo sur Internet : la loi de Pareto y sévit aussi ! » :
Il faut vite résoudre le puzzle et trouver les clefs de la monétisation : les coûts d’infrastructure massifs (50% de l’Internet en 2012) ne pourront être supportés longtemps sans revenus correspondants.
D’autant que les producteurs de contenus vidéo professionnels relèvent la tête et accentuent la pression sur ces sites de partage vidéo qui « exploitent » leurs contenu sans redevance…
Lire aussi :
* « Google déçu par le 1% de Youtube » :
Si l’on admet les 300 milliards de vidéos vue cette année chez Youtube, cela fait moins de 0.1 cents de revenus par vidéo, soit 1$ le mille. Beaucoup trop faible vu à la fois les coûts de diffusion et la richesse émotionnelle donc la valeur publicitaire de ce média (…).
* « Youtube : monétisation pour 3% des 4 milliards de vidéos du site » :
La question est sûrement moins cruciale pour les autres types de contenu, comme le texte, qui ne demandent pas des investissements en infrastructure aussi lourds que la vidéo… Mais elle se pose néanmoins :
* Alexandre Camden (Les bonnes fréquentations) : « La publicité sur Facebook : des résultats non convaincants »
Le mirage de la participation
Le second gros trou percé dans la bulle du Web 2.0, c’est celui du mirage de la participation, qui devait ouvrir rien moins qu’un nouvel âge de la démocratie !
Là aussi, le bilan n’est pas à la hauteur des espérances.
- Une minorité d’actifs dans un océan de « lurkers »
On s’en doutait un peu, mais les récents chiffres publiés par Rue89 sur la participation de ses lecteurs dans les commentaires est édifiante. Voir sur novövision : « La participation en ligne ? 0,075% des lecteurs ! ».
La possibilité de participer au débat offerte par les plates-formes d’information, comme Rue89 : ouverture d’un blog et commentaire des contenus diffusés, n’est utilisée – un peu – que par moins de 1% des lecteurs, et n’est utilisée activement que par moins de 0,1% des lecteurs.
Tous les autres restent des « lurkers », des badauds, des passants ou des voyeurs, qui ne relèvent nullement ce « défi de la participation ».
Ce Web 2.0 de la participation ressemble au bout du compte bien plus à ce que décrit Szarah (SEO berSZerkers) : « le Web est, pour l’instant et sans surprise, à l’image du reste du monde, construit par les actifs pour les badauds. »
- Le web coopératif, il faut le vouloir
Hubert Guillaud et Daniel Kaplan, sur InternetActu avaient tenté de théoriser ça avec finesse le mois dernier : « Vouloir un web coopératif » :
« On aurait donc tort de penser qu’un web massivement relationnel annonce, par construction, un monde massivement coopératif. Parce que ça n’est pas le problème principal des utilisateurs. Et parce que ça n’est pas du tout le problème des opérateurs des plates-formes du web 2.0. »
(…) L’explosion des “contenus générés par les utilisateurs” provient plus d’une soif de relation que d’une exigence de participation, au sens d’une intervention dans les décisions et processus collectifs. En nous distinguant en 2006, Time nous prêtait sans doute des intentions, voire des capacités, qui n’étaient pas les nôtres.
Ce qui amenait mon commentaire :
Cette participation, il faut donc la bâtir. Elle ne viendra pas toute seule par la magie de la technologie 2.0 : il n’y pas de génération spontanée de la démocratie en ligne ! Pas de « divine surprise »…