Pélerinage parisien en prose
« Parler de banalités, c’est faire croire aux autres que l’on vit »
Qu’est ce qu’on vient chercher sur les quais de la Seine ?
Un bruit de verre dans le noir, c’est maman qui se remet à picoler.
Quelques mots anodins sur le web.
Il n’en faut pas plus, on s’en va.
Marcher sur les quais, le vent en proue.
Qu’y voir ?
Les eaux noirâtres de la Seine ?
Quelques zonards qui viennent prendre solitude ?
Un vélo couché sur un bateau ?
Les derniers invités d’une croisière repas ?
Quelques ouvriers en jaune et casque et un gardien avec son chien ?
Je m’assois tous les cent mètres et prends des notes.
Quoi d’insolite, quoi de marquant ?
Que trouver d’intéressant ?
La chanson d’un ivrogne que l’on entend de haut.
Un camion qui fait des manoeuvres pour retrouver sa route.
Des bateaux, toujours des bateaux, des grands bateaux.
On passe sous des ponts, on entend des scooters.
Des grandes arches qui découpent une carte postale de lumière.
On devine des arbres, des gens couchés sur des bancs ?
On prend des notes sur un phare.
On sent l’odeur de la pisse.
Cachés dans les alcôves, des sans logis dorment, emmitouflés dans leur couverture.
Retour à la lumière.
Un couple discute, l’un sur l’autre.
Ils s’embrassent, quelques bouteilles près d’eux.
Puis, entre les arbres, des tentes plantées.
Une, deux, trois, quatre, cinq, six.
Un logo se détache sur la toile : « médecin du monde ».
Un ronflement, des habits étendus sur une corde, des conserves qui traînent, cette odeur de pisse.
Deux cordes accrochées à une branche flottent dans le vent, minces cordes de pendu.
Un petit blouson par terre.
Des nouvelles tentes.
Un autocollant sur un toit : un doigt tendu vers le bas, et les mots « A jeter, à détruire ».
Près des poubelles, des gobelets traînent encore devant les fermetures éclairs « Pour manger, merci ».
Un homme comate devant une entrée.
Le chemin remonte mais juste avant, un peuplier boit la tasse, sa chevelure à l’eau.
Les marches, une, deux…
Débouchée sur la civilisation.
Piéton rouge grillé.
Quelques stands de bouquinistes fermés.
Un panneau : « voie sur berge, rive gauche ».
Je regarde en face, la rive droite.
Le long de la Seine, il n’y a que des arbres, des lampadaires qui éclairent, tout est calme.
Milles rides plissées sur le fleuve finissent en remous sous le pont.
Quelle tristesse, alors qu’on redescend d’être accompagné par les voitures.
Un vélo d’étudiant attardé croise la route et s’enfuit.
C’est long, mais ce n’est pas encore l’heure.
On regarde encore cette rive droite, qui attire tant elle est belle, tant elle est calme.
Se jeter à l’eau pour la rejoindre ?
Croiser deux canards qui essayent de voguer en couple.
On marche, on marche.
On réfléchit, on oublie ses peines.
La contemplation du monde est un puissant réconfort.
Des images plein la tête, d’autres préfèrent l’écouter, le monde.
Un grand pont en acier juste après un bateau restaurant où un dernier employé astique les fers.
On fuit.
Entre les marches, l’eau qui coule.
La Seine coulerait-elle d’Ouest en Est ?
Le vent l’y aide en tous cas.
On aboutit sur une grande grille.
Mais non, la rive droite apparaît.
A gauche, à droite, les solutions sont ouvertes.
Continuer ?
Revenir ?
Non, pas encore.
Des bateaux, encore des bateaux, des noms de rue sur le flanc.
Des canards qui déguerpissent, abandonnant leur mare de détritus.
Rien de plus à dire, à écrire ?
Esprit apaisé ?
Une lampe s’allume sur mon passage.
Seul oeil luisant qui reproche au photographe sa présence, de l’avoir tiré si tard du sommeil.
De nombreuses échelles mènent à des panneaux électriques.
Voitures, scooters garés entre les arbres, les usagers du port.
Des fleurs en pot : délicate et éphémères attention.
Une idée germe.
Partir, ne pas revenir.
Passer sous une grande voûte.
On remonte encore, une fois.
Enfin, une odeur d’embrun.
Il est temps de prendre le premier métro…
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